出版社: José Corti Editions
出版年: 1950-1-1
页数: 74
定价: EUR 11.15
装帧: Broché
ISBN: 9782714302625
内容简介 · · · · · ·
[...] le Français, lui, se classe au contraire par la manière qu’il a de parler littérature, et c’est un sujet sur lequel il ne supporte pas d’être pris de court : certains noms jetés dans la conversation sont censés appeler automatiquement une réaction de sa part, comme si on l’entreprenait sur sa santé ou ses affaires personnelles – il le sent vivement – ils sont de ces sujet...
[...] le Français, lui, se classe au contraire par la manière qu’il a de parler littérature, et c’est un sujet sur lequel il ne supporte pas d’être pris de court : certains noms jetés dans la conversation sont censés appeler automatiquement une réaction de sa part, comme si on l’entreprenait sur sa santé ou ses affaires personnelles – il le sent vivement – ils sont de ces sujets sur lesquels il ne peut se faire qu’il n’ait pas son mot à dire. Ainsi se trouve-t-il que la littérature en France s’écrit et se critique sur un fond sonore qui n’est qu’à elle, et qui n’en est sans doute pas entièrement séparable : une rumeur de foule survoltée et instable, et quelque chose comme le murmure enfiévré d’une perpétuelle Bourse aux valeurs. Et en effet – peu importe son volume exact et son nombre — ce public en continuel frottement (il y a toujours eu à Paris des " salons " ou des " quartiers littéraires ") comme un public de Bourse a la particularité bizarre d’être à peu près constamment en " état de foule "): même happement avide des nouvelles fraîches, aussitôt bues partout à la fois comme l’eau par le sable, aussitôt amplifiées en bruits, monnayées en échos, en rumeurs de coulisses[…].
« À partir du moment où il existe un public littéraire (c’est-à-dire depuis qu’il y a une littérature) le lecteur, placé en face d’une variété d’écrivains et d’œuvres, y réagit de deux manières: par un goût et par une opinion. Placé en tête-à-tête avec un texte, le même déclic intérieur qui joue en nous, sans règle et sans raisons, à la rencontre d’un être va se produire en lui : il «aime» ou il «n’aime pas», il est, ou il n’est pas, à son affaire, il éprouve, ou n’éprouve pas, au fil des pages ce sentiment de légèreté, de liberté délestée et pourtant happée à mesure, qu’on pourrait comparer à la sensation du stayer aspiré dans le remous de son entraîneur; et en effet, dans le cas d’une conjonction heureuse, on peut dire que le lecteur colle à l’œuvre, vient combler de seconde en seconde la capacité exacte du moule d’air creusé par sa rapidité vorace, forme avec elle au vent égal des pages tournées ce bloc de vitesse huilée et sans défaillance dont le souvenir, lorsque la dernière page est venue brutalement «couper les gaz», nous laisse étourdis, un peu vacillants sur notre lancée, comme en proie à un début de nausée et à cette sensation si particulière des «jambes de coton». Quiconque a lu un livre de cette manière y tient par un lien fort, une sorte d’adhérence, et quelque chose comme le vague sentiment d’avoir été miraculé: au cours d’une conversation chacun saura reconnaître chez l’autre, ne fût-ce qu’à une inflexion de voix particulière, ce sentiment lorsqu’il s’exprime, avec parfois les mêmes détours et la même pudeur que l’amour: si une certaine résonance se rencontre, on dirait que se touchent deux fils électrisés. C’est ce sentiment, et lui seul, qui transforme le lecteur en prosélyte fanatique, n’ayant de cesse (et c’est peut-être le sentiment le plus désintéressé qui soit) qu’il n’ait fait partager à la ronde son émoi singulier; nous connaissons tous ces livres qui nous brûlent les mains et qu’on sème comme par enchantement – nous les avons rachetés une demi-douzaine de fois, toujours contents de ne point les voir revenir. Cinquante lecteurs de ce genre, sans cesse vibrionnant à la ronde, sont autant de porteurs de virus filtrants qui suffisent à contaminer un vaste public: il n’y faut que quelques dizaines d’années, parfois un peu plus, souvent beaucoup moins: la gloire de Mallarmé, comme on sait, n’a pas eu d’autre véhicule – cinquante lecteurs qui se seraient fait tuer pour lui. »
Texte célèbre datant de 1949, publié d’abord dans la revue Empédocle, La littérature à l’estomac demeure plus que jamais, cinquante ans après sa sortie, d’actualité.
Ce qui énervait Julien Gracq dans le milieu littéraire, tant celui des critiques que de certains écrivains, n’a fait que prendre, depuis, une plus grande ampleur car ce qui fait aujourd’hui d’abord un livre, c’est le bruit : pas celui d’une rumeur essentielle qui sourdrait de l’œuvre elle-même mais celui des messages accompagnant sa sortie. L’inextinguible besoin de "nouveau" et la vitesse se sont ligués contre lui.
Ce texte figure en édition séparée et dans le recueil Préférences.
La première chose dont la critique s’informe à propos d’un écrivain, ce sont ses sources. Hélas ! (mais cette vérité navrante, il ne faut la glisser qu’à l’oreille), voici qui lui complique la vie: l’écrivain n’est pas sérieux. Le coq-à-l’âne, en matière d’inspiration, est la moindre de ses incartades. J’en donnerai un exemple personnel. Quand je fis jouer une pièce, il y a une quinzaine d’années, la suffisance des aristarques de service dans l’éreintement (je ne me pique pas d’impartialité) me donna quelque peu sur les nerfs, mais, comme il eût été ridicule de m’en prendre à mes juges, une envie de volée de bois vert me resta dans les poignets. Quelques semaines après, je me saisis un beau jour de ma plume, et il en coula tout d’un trait La Littérature à l’estomac. MM. Jean-Jacques Gautier et Robert Kemp, — faisant de moi très involontairement leur obligé — m’avaient fourni le punch qui me manquait pour tomber à bras raccourcis sur les prix littéraires et la foire de Saint-Germain, qui n’en pouvaient mais – cas classique du passant ahuri, longeant une bagarre, qui se retrouve à la pharmacie pour crime de proximité.
Julien Gracq, Lettrines, p. 33 et suivante.
Écœuré par un certain milieu mondain, Julien Gracq a écrit ce pamphlet en 1949. Il fut publié d’abord dans la revue Empédocle, puis chez son fidèle éditeur José Corti et enfin dans La Pléiade. Julien Gracq est, outre un grand auteur qui refusera par honnêteté intellectuelle le Goncourt en 1951 pour Le Rivage des Syrtes – refus qui fit grand bruit à l’époque — un critique littéraire reconnu (cf. Lettrines2). Peu enclin aux compromis et aux honneurs, il fait le procès du mercantilisme et de la mondanité qui règnent dans la « République des Lettres » de l’époque : « […] on tolère une fois ou deux que je m’amuse ou que je « provoque » — davantage, on me prendrait pour un mauvais coucheur. » Il ne l’ait pas et ne plaît pas car annonce des vérités à contre-courant : haro sur le besoin inextinguible de vitesse et de « nouveau » (lisez aussi son Pourquoi la littérature respire mal, écrit en 1960, éloquent sur la notion de disparition du fonds de culture). Il décide donc de s’en expliquer intelligemment dans cette analyse qui reste vibrante d’actualité.
« Il crève les yeux qu’il existe une crise du jugement littéraire », aujourd’hui plus qu’hier ! Dans ce texte acéré et vif, relu souvent tant je m’y retrouve, Julien Gracq a l’audace, le courage, l’honnêteté et l’intelligence de se révolter. En colère et en son âme et conscience, il part en guerre contre une France qui ne lit pas (ou pas vraiment) et se permet des jugements que la foule croit comme parole d’évangile et vénère. La littérature est victime « d’une formidable manœuvre d’intimidation de la part du non-littéraire, et du non-littéraire le plus agressif. » Avant, celui-ci gardait le courage de son incompréhension, aujourd’hui il l’érige fièrement en barricade commerciale. Doué d’une plume exceptionnelle, Julien Gracq dénonce le bruit, le mauvais bruit, celui qui n’a rien à voir avec la littérature et qui alimente les discussions, marchandages, spéculations, commérages et calomnies de certains intellectuels, journalistes et critiques. Il lutte contre l’air du temps et le goût du jour qui encense l’écrivain — par rapport à un public et non par rapport à son œuvre —, cet homme qui doit avoir une situation et une audience, doit représenter « une surface avant même parfois d’avoir du talent » pour répondre au dictat du marché. Beaucoup de professionnels jouent la carte du snobisme, écrivant des articles « coups de poing » totalement vides de réflexion, pédants, répondant à une simple loi du talion entre Dieux et bêtes noires de tous camps, au lieu d'être au service du texte. Rares sont les lecteurs qui utilisent leur esprit critique, du discernement et du jugement pour se faire un avis personnel. « C’est qu’au-delà d’un certain degré de vulgarisation presque électorale, qu’il n’est plus possible à la longue (car on vit dedans) de séparer complètement de l’œuvre qui lui a donné naissance, on ne s’explique plus, on se compte. Moins encore dans le contenu que dans le ton, il y a aujourd’hui un nivellement des réactions esthétiques (?) après les réactions politiques (on sait qu’elles tendent parfois à coïncider) qui s’établit par le bas, comme il arrive quand on commence à débattre de malentendus sur la place publique.» Préférant comme lui la lente pénétration, la lente digestion d’une œuvre écrite, lue et maintes fois relue, mieux vaut continuer notre chemin en partageant nos pépites dans un clan restreint souvent intime (une société secrète!), par un bouche à oreille dénué de militantisme ou d'élitisme, sans esprit de clocher, loin des guerres triviales, proche de notre plus intime conviction, de l'extase littéraire solitaire, parfois communautaire.
作者简介 · · · · · ·
Julien Gracq, mort le 22 décembre 2007 à l’âge de 97 ans, a légué l’ensemble de ses manuscrits à la bibliothèque nationale de France (BNF). Selon les termes du testament de l’écrivain, ce fonds comprend "les manuscrits de ses ouvrages publiés ainsi que ses manuscrits inédits ou partiellement inédits en sa possession au moment de sa mort".
La quasi-totalité des manuscrits de ses...
Julien Gracq, mort le 22 décembre 2007 à l’âge de 97 ans, a légué l’ensemble de ses manuscrits à la bibliothèque nationale de France (BNF). Selon les termes du testament de l’écrivain, ce fonds comprend "les manuscrits de ses ouvrages publiés ainsi que ses manuscrits inédits ou partiellement inédits en sa possession au moment de sa mort".
La quasi-totalité des manuscrits de ses grands romans, récits et essais, y figurent donc, sous forme de dossiers de travail et de mises au net corrigées. On y trouve aussi les trente-cinq carnets que l’auteur du Rivage des Syrtes consignait au jour le jour et dont une partie n’a pas été publiée. Selon la volonté de l’écrivain, dont l’exécutrice testamentaire est Bernhild Boié, éditrice des œuvres de Gracq dans la "Bibliothèque de la Pléiade" (Gallimard), cette partie inédite ne pourra être divulguée pendant une période de vingt ans. Les chercheurs devraient pouvoir consulter ces archives à partir de l’automne prochain. Comme le voulait Julien Gracq, qui vivait retiré dans sa ville natale de Saint-Florent-Le-Vieil en Anjou, une copie numérique de l’intégralité du legs sera transmise à la Bibliothèque universitaire d’Angers qui abrite un fonds de documentation sur "l’enfant du pays".
ses oeuvres La Presqu'île
Le Rivage des Syrtes
Un balcon en forêt
La Littérature à l'estomac
Préférences
Lettrines
Lettrines 2
Les Eaux étroites
En lisant en écrivant
La Forme d'une ville
Carnets du grand chemin
Entretiens
ses extraits Un balcon en forêt
Lettrines
Lettrines 2
Les Eaux étroites
En lisant en écrivant
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檄文
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